Dans la suite de mon bilan personnel voici celui de STIGMA avec ce qui s’est passé depuis ma dernière note de 2014. Globalement j’ai amélioré la mise en forme des premières planches et j’ai remanié le scénario et le découpage d’une bonne cinquantaine de pages. Toutefois, avant d’en arriver là, les mois qui ont suivi ma fameuse note de 2014 n’auront pas été une période évidente. Je ne savais plus quoi penser de la qualité de mon travail, je n’avais pas mon indépendance financière d’aujourd’hui et j’attendais, sans trop de nouvelles, le contrat d’édition pour le projet « Mais où est passée ma femme ? ».
De manière générale, que ce soit en festival ou dans le vie de tous les jours, j’ai en effet eu des retours positifs, mais aussi beaucoup de retours divergents. Bien que je sois très attentive aux suggestions/remarques cela n’avait pas fait bon ménage avec ma productivité. Interpréter et comprendre les commentaires de chacun et ensuite remettre en doute mes compétences c’était tout sauf un exercice agréable et constructif. En toute honnêteté c’était même très pénible. Je pouvais avoir tantôt des gens juger mon travail comme si je l’avais pondu en trois jours et tantôt d’autres me conseiller de collaborer avec un scénariste sans avoir même lu une seule ligne du scripte… Alors voilà, au Nouvel An 2015, j’en ai eu ras-le-bol qu’à chaque fois que je m’efforçais de donner vie à ce projet il y avait toujours dix milles raisons pour faire dix pas en arrière. Depuis, je limite les dégâts en demandant des retours qu’à quelques proches qui connaissent bien l’univers. Un garde-fous obligatoire pour ma bonne santé mentale et qui m’aura permis de prendre le recul nécessaire pour résoudre les plus gros défauts du projet.
Changement de technique
Dans leurs anciennes versions, je travaillais les planches avec les fameuses étapes crayonnés-encrage-couleur, une méthode qui ne me pose aucun souci pour d’autres projets comme « La petite petite chapardeuse » et « Mais où est passée ma femme ? ». Pour STIGMA, en revanche, elle me bloquait à m’en arracher les cheveux.
Mes illustrations (en l’occurence Dolor Past) furent tout à l’inverse une bénédiction. J’avais réellement du plaisir même si le digital painting restait une technique assez longue. Pourtant elle s’avérait infiniment plus intuitive et elle me permettait d’avoir très vite une vue d’ensemble. Par exemple, au lieu d’apposer la couleur en dernière étape, elle faisait partie intégrante du croquis. La possibilité de switcher sans compromis entre textures détaillées, croquis préparatoires ou encore restructuration d’une zone complète était plus que libérateur. Toutefois avant d’appliquer cela à mes planches, la peur de passer trop de temps et la peur de ne pas employer le bon ordre m’auront bien fait hésiter. Accessoirement, je ne me rendais pas compte à quel point la BD avait une démarche créative bien formatée dans la conscience collective.
Ci-dessous, l’évolution d’une case avec cette nouvelle méthode.
Vous pouvez voir la version gif animé ici.

Changement de titre
Il était temps que le titre évolue et qu’il résume plus efficacement mes intentions. Les festivals sont des lieux parfaits pour évaluer les défauts et les qualités d’un projet, mais ce n’est pas toujours évident de mettre le doigt sur l’origine d’un défaut. Avec 10 minutes d’entretien dans la plupart des cas, on ne parlera que de la pointe de l’iceberg. Personne ne peut être dans ma tête et je n’en veux donc à personne de ne pas tout savoir du premier coup.
Mais voilà, dans l’énorme majorité des cas, mon ancien titre « Le Dragon des Ténèbres » classait automatique le projet dans la case fantasy classique et je perdais du temps à expliquer le contraire (magie inexistante, histoire proche de la science-fiction et du roman graphique, etc.). En conclusion, je me devais être honnête et admettre une bonne fois pour toute que ce titre choisi il y a belles lurettes n’était ni représentatif et ni même vendeur. J’ai ressorti tous mes dictionnaires (du petit Robert au dictionnaire des Symboles) et suite à tous vos retours sur facebook, je me suis décidée pour un nouveau titre plus court, simple et symbolique : STIGMA
Bien entendu, qui dit changement de titre, dit refaire le design du titre, mettre à jour le nom de domaine du site officiel, etc. Tout ceci se fera petit à petit.
Changement dans le découpage
Le nombre de pages a considérablement augmenté. Aux dernières nouvelles l’ensemble fera six tomes entre 150 et 180 pages chacun. Je suis certainement inconsciente du boulot de titan que je m’impose, et pour cause mon seul souci est de raconter au mieux mon histoire même si ça me prendra 15 ans ou plus (palme d’Or de masochisme). Trouver le bon rythme pour chaque séquence est mon défi, surtout quand elles doivent exprimer des émotions précises. Je me méfie plus que tout du surplus de dialogues et je ne veux pas non plus prendre le lecteur par la main avec des explications à tout va. Je souhaite plus que tout que la narration soit la plus naturelle possible.
Sur le premier tome, le plus gros morceau qui a été revu dans le découpage fut certainement le prologue qui compte actuellement 28 pages. Rétrospectivement, quand je me rappelle que ce même prologue comptait précisément 7 pages en juin 2013, je saisis de mieux en mieux pourquoi personne ne comprenait la logique des événements.
Changement d’état d’esprit
Mon identité en tant qu’auteur de BD m’aura chamboulée plus d’une fois. Une coalition entre mes études de dessin et le marché actuel de la BD m’avait fortement convaincue que je DEVAIS être productive, mais je ne voulais pas pour autant négliger la qualité de mon projet. Mon perfectionnisme m’incitait donc à mêler productivité parfaite et qualité parfaite. Une équation que je m’efforçais à résoudre malgré son fatal error inéluctable. Il m’aura fallu beaucoup de recul et de repos après le déménagement pour affirmer aujourd’hui que la qualité prime sur la productivité, que j’ai le droit d’être heureuse dans ma grotte et que si je dois en sortir, c’est vraiment pour montrer quelque chose qui en vaille la peine. Je pense que pour vous, en tant que lecteur, cela ne changera pas grand-chose, mais je vous certifie que ça me décharge d’un sacré poids.
Du côté éditorial, ce n’est que récemment que je visualise tout cet aspect comme secondaire. Comme ma situation actuelle me permet d’avancer STIGMA sans trop me soucier de mes factures, confronter des éditeurs me semble donc de moins en moins nécessaire. Je ne dis pas pour autant que collaborer avec un éditeur est une mauvaise chose, simplement que ce n’est plus ma priorité pour ce projet. Idem pour l’auto-édition, je me détache le plus possible des soucis éditoriaux pour me concentrer sur l’essentiel : raconter au mieux mon histoire. Bien entendu je ne suis pas contre une version papier (mon rêve absolu), mais elle se fera en temps voulu, correctement et avec un minimum de stresse.
En m’axant sur le web, plusieurs pistes s’offrent à moi. Pour le moment la création d’une page Patreon me séduit beaucoup. Grosso modo c’est un système qui rémunère les artistes avec des petits soutiens individuels et qui privilégie les lecteurs qui souhaitent suivre un ou plusieurs projets à long terme. J’hésite encore, mais pourquoi pas. Dans tous les cas, ce ne sera pas pour tout de suite. Le crowdfunding m’aura bien appris une chose : il n’y a pas de système miracle qui fonctionne sans fournir les efforts appropriés.